AFGC

LE CORBUSIER Charles-Édouard (JEANNERET)

(1887 - 1965)

Le père de l’architecture moderne.

Né le 6 octobre 1887, à La Chaux-de-Fonds, en Suisse, Charles-Édouard Jeanneret, dit Le Corbusier, grandit dans un milieu ouvert à l’art. Fils d’un horloger Georges-Édouard Jeanneret et d’une pianiste Marie-Charlotte-Amélie Perret, il suit les cours de l’Ecole d’art de La Chaux-de-Fonds. Son “maître”, Charles L’Eplattenier, l’encourage à devenir architecte et lui confie, en 1905, la construction de la villa Fallet. Le Corbusier est alors âgé d’à peine dix-huit ans. 

En 1907. Charles-Edouard Jeanneret entreprend une série de voyages en Europe. Autant de séjours qui marqueront à jamais sa carrière. En 1909, il visite Paris et rencontre Eugène Grasset qui lui apprend les premiers rudiments du dessin technique concernant l’architecture en béton armé ; il effectue également un stage auprès d’Auguste Perret où il étudie notamment la technique du béton armé.  

En 1910, il effectue une mission d’étude sur l’évolution des rapports entre industrie et arts du bâtiment en Allemagne ; il se fait embaucher quelques mois à Berlin comme dessinateur dans la grande agence dirigée par Peter Behrens. C’est là qu’il rencontre d’autres dessinateurs ou architectes novices tels que Ludwig Mies Van Der Rohe et Walter Gropius.

De retour en Suisse en 1912, il ouvre son propre cabinet d’architecture et travaille à la construction de la villa Jeanneret-Perret (dite « Villa Blanche ») pour ses parents, et à la villa Favre-Jacot. il met tout en œuvre pour essayer de pratiquer son idéal architectural, mais face à un certain nombre d’échecs, il se tourne vers la France anticipant les besoins de reconstruction d’après-guerre 1914-18. Il s’installe définitivement à Paris en novembre 1917. En 1922, associé à son cousin, l’ingénieur Pierre Jeanneret, il ouvre un atelier d’architecture, au 35 rue de Sèvres au premier étage d’un ancien cloître d’un couvent jésuite, ce sera son atelier permanent. C’est à ce moment qu’il devient Le Corbusier, du nom de famille d’une aïeule d’origine belge.

En 1926, ses premiers choix en architecture sont définis par ce qu’il appelle « le purisme » par opposition au « cubisme ». Cette vision, mêlée d’utopie, le bonheur étant l’une des clés de ses réflexions sur l’urbanisme, est fondée sur une simplicité des formes et sur cinq points : un plan libre, une façade libre, des pilotis, un toit terrasse et une fenêtre en longueur. Il est le premier à remplacer les murs porteurs extérieurs par des piliers de béton armé placés à l’intérieur des constructions. Dès lors, les façades ne portant plus les étages supérieurs, il est possible de les habiller avec des cloisons légères et de multiples et très grandes fenêtres. Il joue alors avec les formes et les espaces, sans devoir tenir compte d’un quelconque alignement lié aux poids des étages supérieurs. Adhérant aux idées du taylorisme et du fordisme américains, il voit dans ces techniques industrielles un moyen de standardisation de logements accessibles et une clé pour la rénovation sociale.

Au cours de la décennie 1920-1930, il réalise un ensemble remarquable de villas, d’ateliers ou d’habitations dont on peut mentionner :

  • la villa Ker-Ka-Ré (1923) aussi appelée villa Besnus, à Vaucresson, sa première réalisation française, pas vraiment représentative de ses fameux « cinq points » ;
  • la Maison Ozenfant (1923) pour son ami peintre Amédée Ozenfant, à Paris dans le quartier Montsouris ;
  • la maison La Roche (1923-1925), située au 10 square du Docteur Blanche à Paris et construite pour le collectionneur et banquier Raoul La Roche ; elle est accolée à la maison Jeanneret destinée à la famille de son frère pianiste, Alfred. Elle abrite aujourd’hui la Fondation Le Corbusier ;
  • la réalisation en 1925 du Pavillon de l’Esprit nouveau, à l’occasion de l’Exposition internationale des arts décoratifs, où il invente et présente son propre mobilier ;
  • la cité Frugès de Pessac (1926), dans la proche banlieue de Bordeaux, cité composée de cinquante petits immeubles et construite à raison d’environ un nouvel immeuble chaque semaine ;
  • la maison du peintre René Guiette à Anvers en 1926 ;
  • la maison jumelle (Doppelhaus) construite en 1927 à l’esthétique unique, aux plans modernes et à l’intérieur sans décor qui la rend exemplaire au sein de la cité expérimentale du Weissenhof (près de Stuttgart) aménagée par 17 architectes provenant de cinq pays européens, parmi lesquels Walter Gropius, Mies van der Rohe, et Hans Scharoun ;
  • la villa du sculpteur Planeix boulevard Masséna à Paris en 1927 ;
La villa Savoye à Poissy (1928-1931)
  • le pavillon Nestlé à la foire de Paris en 1927 ;
  • la villa Stein, connue aussi sous le nom de « villa les Terrasses », construite entre 1926 et 1928 à Garches. Cette maison, construite pour Michael Stein (le frère de Gertrude Stein) et son épouse ;
  • la célèbre villa Savoye, (1928-1931) à Poissy, application des « cinq points d’une architecture nouvelle », la plus remarquable de cette période, et qui aura une influence considérable dans l’histoire de l’architecture ;
  • la Cité de refuge de l’Armée du salut, (1929-1933) à Paris, au 12 rue Cantagrel ;
  • le pavillon Suisse de la Cité internationale universitaire de Paris (1930-1932) ;
  • le siège du Centrosoyuz (1928-1935), siège de l’Union centrale des coopératives de consommateurs de l’URSS, à Moscou, avec l’architecte Nikolaï Kolli.

 

En 1930, Charles-Édouard Jeanneret demande et obtient la nationalité française. C’est à partir de cette époque qu’il réfléchit à l’organisation de la concentration urbaine en élaborant des plans d’aménagement pour diverses villes étrangères (Rio de Janeiro), Moscou, Alger, Barcelone, Genève,…), À partir de ses études d’urbanisme, il propose le projet générique de « ville radieuse ». Dans les années 1930 – 1940 , Le Corbusier fait de nombreux voyages à l’étranger, notamment au Brésil où il travaille avec les architectes Lúcio Costa, ancien élève des Beaux-Arts de Paris et familier de l’atelier de la rue de Sèvres, ainsi que Oscar Niemeyer.

En mai 1940, Le Corbusier ferme son atelier de dessin et d’architecture de la rue de Sèvres, et part à Grenoble. Accompagné de son épouse Yvonne, il se réfugie dans le Midi, puis dans le petit village pyrénéen d’Ozon. Puis il séjourne à Vichy de janvier 1941 à juillet 1942, ville où il essaye en vain de vendre au gouvernement de Pétain ses idées sur la modernisation de l’urbanisme et les futures reconstructions. De mi-1942 à mi 1944, il est conseiller technique à la Fondation française pour l’étude des problèmes humains dirigée par l’eugéniste Alexis Carrel, et s’occupe de la Charte d’Athènes. Soupçonné de collaboration avec le fascisme, mais soutenu par Eugène Claudius-Petit et André Malraux, il échappe à l’épuration et engrange alors de nombreuses commandes architecturales.

La Cité Radieuse de Marseille (1946-1952)

Sensible au monde qui l’entoure, Le Corbusier se concentre sur les problèmes de pénurie de logements. Dès 1945, il préconise l’habitat en hauteur dans un environnement rural et crée l’unité d’habitation. Il y applique les théories du Modulor, une notion architecturale inventée par Le Corbusier correspondant à une silhouette humaine standardisée servant à concevoir la structure et la taille des unités d’habitation, et reliée au nombre d’or.

Première en son genre : la Cité Radieuse de Marseille (1946-1952), encore appelée de façon prosaïque « la maison du fada ». Une réalisation dont la forte expressivité plastique est jointe à l’usage du béton. La résidence, sous forme d’une barre sur pilotis, est composée de 360 appartements en duplex séparés par des rues intérieures. Elle comprend dans ses étages centraux des bureaux et des commerces. Le toit terrasse, libre d’accès au public, est occupé par des équipements publics : une école maternelle, un gymnase, une piste d’athlétisme, une piscine et un auditorium. Elle est inaugurée le 14 octobre 1952 en présence du ministre de la Reconstruction, Eugène Claudius-Petit.

D’autres réalisations de ce type suivent avec la création en 1947 par l’ingénieur Vladimir Bodiansky de L’Atelier des bâtisseurs (ATBAT) au sein de l’Atelier de Le Corbusier. Quatre autres cités radieuses voient le jour : à Rezé près de Nantes (1953-1955), à Briey (1956-1963), à Berlin (1957) et à Firminy (1959-1967). Mais leur construction s’effectue dans des conditions très différentes, en fonction des maîtres d’ouvrage, des programmes, des budgets… À Firminy, l’architecte bénéficie de l’amitié du maire Eugène Claudius-Petit, qui lui permet d’inscrire son unité d’habitation au sein d’un ensemble urbain plus vaste, dont il dessine plusieurs bâtiments : un stade, une maison de la culture et une église. C’est à Firminy que le rêve de Le Corbusier s’accomplit en réunissant ce qu’il pensait être les trois grandes activités de l’homme : la culture, le sport et la prière. L’église Saint Pierre de Firminy, achevée quarante et un ans après la mort de Le Corbusier, était le troisième édifice religieux construit par Le Corbusier, après la Chapelle Notre-Dame du Haut à Ronchamp (1953-1955) dont il réalise seul en usine le décor de la grande porte de l’église en y appliquant 18 m2 de peinture sur émail, et le couvent de Sainte-Marie de la Tourette à Eveux près de Lyon (1954-1959). 

 

Enfin, parmi les plus prestigieuses constructions de Le Corbusier, on trouve la ville indienne de Chandigarh où il va appliquer ses concepts urbains et architecturaux à l’échelle d’une ville lorsque les autorités indiennes, au début des années 1950, lui confient le projet de la ville de Chandigarh, nouvelle capitale du Pendjab. Dès 1951, associé à l’architecte indienne Eulie Chowdhury, il prend en charge l’urbanisme entier et dessine les bâtiments du complexe administratif avec en premier lieu le palais de Justice achevé en 1956 (inauguré le 19 mars 1956 en présence du premier ministre Nehru), puis le palais du Capitole ou du Gouverneur (jamais construit), le Secrétariat (maison des ministères) achevé en 1958 et le palais de l’Assemblée inauguré en 1961.

Il décède le 27 août 1965 à Roquebrune-Cap-Martin. Après des obsèques nationales dans la cour du Louvre, orchestrées par le ministre André Malraux, il est enterré avec sa femme dans le cimetière Saint-Pancrace à Roquebrune sous un sobre monument funéraire en béton de sa conception.

Nota : Le Corbusier a consigné ses théories et ses recherches dans trente-cinq ouvrages écrits entre 1912 et 1966. L’œuvre architecturale de Le Corbusier regroupant dix-sept sites (dont dix en France, les autres étant répartis sur trois continents) est classée au patrimoine mondial de l’UNESCO le 17 juillet 2016