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MATHERON Jean
Président de la SGE et acteur des « 30 Glorieuses »
Jean Matheron est né le 23 avril 1902 dans la ville de Dombrowa en Pologne. Son père, Johannès Claudius Matheron (1867-1923) est ingénieur des Mines et administrateur délégué des Houillères de Dombrowa. Diplômé de l’Ecole Polytechnique et de l’Ecole nationale des Ponts et Chaussées, Jean Matheron épouse vers 1925 la fille aînée d’Alexandre Giros, cofondateur avec Louis Loucheur de la SGE (Société Générale d’Entreprises) en 1908.
En 1928, il entre à la SGE où son beau-père lui confie la direction de l’un des chantiers de construction du complexe hydro-électrique de la Truyère, le plus puissant à l’époque. L’efficacité dont il fait preuve lui vaut d’entrer en 1931 au Conseil d’Administration et au comité de Direction de la SGE, puis de remplacer en 1936 M. Cahen en tant qu’administrateur délégué.
Lorsque Jean Matheron entre à la SGE, cette société a, depuis sa création en 1908, cherché à dépasser son rôle de constructeur en développant en amont un rôle de concepteur et de distributeur de produit fini dans certains domaines comme les transports, mais surtout l’électricité. Cette orientation en fera, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, la pilote de l’un des tout premiers réseaux de distribution d’électricité de France. Dans le cadre de cette vision très intégrée, Jean Matheron, plutôt orienté lors de son entrée à la SGE vers les métiers de travaux que vers la distribution, va nourrir son expérience, enrichir ses compétences et devenir dans les années 1950-1970, l’un des hommes à la fois le plus écouté et le plus estimé de la profession.
En 1947, il remplace le président de la SGE Henri Laborde-Milaa brutalement décédé. L’époque est naturellement prometteuse, avec les perspectives de la reconstruction du pays, mais compliquée par les exigences de la réorganisation d’un outil de travail et par les incertitudes politiques qui agitent alors la France. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, la SGE, affaiblie par le conflit, doit faire face à la nationalisation des sociétés de production-transport-distribution d’électricité dont elle était la maison mère. Désormais privée de ses marchés traditionnels et de nombreuses rentrées financières, la SGE se trouve dans l’obligation de trouver de nouveaux marchés porteurs dans le domaine du BTP et de mettre en place les conditions de collaboration future avec Électricité de France, pour permettre à l’entreprise de poursuivre l’exercice de son métier de base, celui d’entrepreneur. C’est ainsi qu’entre 1946 et 1948, la SGE prend une part importante au déblaiement et à la reconstruction de la ville de Caen et participe à la reconstruction du port de Dunkerque.
Fidèle à sa tradition, la SGE maintient sa position de leader dans le domaine de l’hydroélectricité, en menant notamment à bien les travaux du barrage et de la centrale de Génissiat (1939-1949), le barrage de Couesque (1945-1951), le barrage poids-voûte du Chastang sur la Dordogne (1947-1952), le complexe hydroélectrique de Montpezat (1951-1954), l’usine marémotrice de la Rance (1961-1966), et continue à construire de nouvelles centrales thermiques.
Sous la présidence de Jean Matheron, le groupe SGE entame son redéploiement autour de sa maison mère et de deux autres sociétés relais, la Société Générale d’Exploitation Industrielle (SOGEI) et la Compagnie Générale de Distribution d’Eclairage et de Force Motrice Industrielle (GEDEI). Il s’intéresse très tôt à l’ingénierie (via la SOGEI) et développe beaucoup ses activités de BTP en Belgique, au travers de la Société Centrale d’Entreprises, et en Afrique du Nord, grâce à la Société Générale d’Entreprises Chérifiennes (barrage de Bin-El-Ouidane au Maroc (1948-1955)) et à la Société Générale d’Entreprises Algériennes.
Mais confronté à l’évolution internationale du BTP, il décide d’ancrer la SGE dans le club des entreprises aptes à intervenir sur les grands chantiers mondiaux, amorce une régionalisation du groupe et cherche à compenser la disparition de certaines positions historiques au Maghreb. Sous son impulsion, on retrouve la SGE dans l’ensemble des grands mouvements qui vont marquer le secteur du BTP dans cette période. La création en 1963, par cinq majors du BTP, de la Compagnie de Constructions Internationales (CCI) va ainsi permettre à la SGE de signer quelques-unes des plus importantes réalisations dans les pays en voie de développement : barrages du Keban en Turquie et de Cahora Bassa au Mozambique, etc. En France, lors du lancement des grandes opérations autoroutières, Jean Matheron sera l’un des fondateurs de Cofiroute en 1970.
Après avoir placé la SGE dans les tout premiers rangs mondiaux de son secteur d’activité, il quitte sa présidence en 1971 pour la passer à Roger Schulz.
Au-delà de la marque apportée à de nombreux ouvrages prestigieux, il contribue également à faire évoluer positivement le dialogue entre les hommes, s’efforçant de démontrer, tant dans le domaine social que dans les relations entre entreprises, que l’on peut concilier fermeté des positions et création de liens amicaux. Ses pairs parleront de lui comme du « dernier seigneur de l’entreprise ».
Il décède le 24 novembre 1985.
Pour en savoir plus :
- La trace des bâtisseurs. Histoire du Groupe Vinci de Dominique Barjot (janvier 2024)
- Les entreprises françaises et l’électrification de l’Afrique du Nord : le cas de la Société générale d’entreprises. Outre-Mers, Revue d’histoire, Année 2002, N° 334-335, pp. 279-304 de Dominique Barjot (2002),
- Lettre n°11 d’AscoTP (décembre 203) : Extrait de 250 ans de l’Ecole des Ponts en cent portraits. Sous la direction de Guy Coronio. Presses de l’ENPC.