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AILLERET Pierre
Technicien, savant émérite et maître à penser des « électriciens ».
Après un parcours brillant à Polytechnique et à l’École des ponts et chaussées, SUPELEC signe son destin professionnel, public et privé.
Il travaille d’abord pendant huit ans au service central des voiries routières, forces hydrauliques et distribution d’énergie électrique, avant d’établir en Indochine, un schéma de réseau à 60 kV sur la Cochinchine, l’Annam, le Laos, le Cambodge et le Tonkin, qui sera mis progressivement en place.
Rentré en France, il s’oriente vers l’industrie privée, mais cinquante ans après, le corps des Ponts et Chaussées, reconnaissant ses hauts mérites, le nomme, à titre très exceptionnel, ingénieur général honoraire des Ponts et Chaussées.
Dans le privé, il participe alors à tous les grands moments ponctuant le développement, la mise en place et la modernisation du réseau électrique.
D’abord directeur général de l’UNIE (Union pour l’Industrie et l’Électricité) – créée en 1930 par les grands groupes industriels producteurs qui préfèrent prévoir l’interconnexion des réseaux avant l’État – et administrateur délégué des filiales, il engage d’importants programmes.
Parmi ceux-ci la première ligne de transport d’électricité entre les Alpes et Paris, début d’une interconnexion 150 000 V, et la construction du barrage du Sautet sur le Drac où il est responsable de tout l’équipement de cet aménagement – Albert Caquot étant là, ingénieur conseil.
La guerre, où il a en charge l’alimentation électrique de la ligne Maginot, puis la maladie interrompent ses réflexions sur les modes de production électrique et les transports du futur.
Au sein du Comité d’organisation de l’énergie électrique créé en 1941, organisme public indépendant jouant le rôle de syndicat patronal au pouvoir étendu, il engage à la tête des divers comités techniques,la planification du réseau haute tension et la normalisation des ouvrages pour donner au pays, après la guerre, les moyens de sa reconstruction.
De cette époque datent la première table de calcul des réseaux en courant continu et les grands pylônes « tête de chat », le regroupement des diverses sociétés de transport d’électricité et la réalisation de la première ligne de 200 kV, transformable en 400 kV, entre le Massif central et Paris.
Le8 avril 1946, lorsque la loi de nationalisation crée EDF, il fait partie des trois « Pierre » (Grezel, Massé et Ailleret), nommés par Roger Gaspard alors directeur général adjoint.
Sous sa houlette de directeur des études et recherches, commence pour EDF une prodigieuse aventure technique et économique : aménagement systématique des chutes hydrauliques, dont Serre-Ponçon et Roseland, augmentation par paliers de la puissance des groupes thermiques, normalisation des tensions du réseau de transport et des appareils de distribution…
II ouvre également des voies en matière d’innovation avec l’usine marémotrice de la Rance, une éolienne de 1 000 kw, et oriente délibérément EDF vers le nucléaire.. qui produit aujourd’hui 75 % de l’électricité française.
Renonçant en 1967 à sa fonction de directeur général adjoint d’EDF, il devient conseiller scientifique et technique de l’entreprise, mais aussi consultant des gouvernements du Portugal, d’Espagne, d’Egypte, du Mexique, des USA ainsi que des sociétés électriques des pays de l’Est.
Comme enseignant, à l’Institut national agronomique, à l’ENPC et à SUPELEC, il fait preuve d’une virtuosité pédagogique, rendant simple et accessible le complexe et l’ardu.
En retraite, il apprend l’espagnol à 70 ans pour jouer pleinement son rôle d’administrateur de la société qui construit la centrale nucléaire franco-espagnole de Vandellos et aborde du point de vue mathématique l’optimisation des séries dimensionnelles. Il résume sa pensée sur ce sujet en 1982 dans son essai de « théorie de la normalisation ».
Grand technicien, savant émérite, responsable opérationnel, chercheur, Pierre Ailleret a toujours su marier les aspects techniques, économiques et sociopolitiques et dépasser les notions traditionnelles de faisabilité et de coût grâce à l’intégration des concepts de risque et de sécurité.