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LE CHATELIER Henry
Un professeur éminent et un illustre savant.
Henry Le Chatelier, né le 8 octobre 1850 à Paris, est le fils de Louis Le Chatelier et de Louise Madeleine Élisabeth Durand. Son père, sorti de l’Ecole Polytechnique en 1836 et Ingénieur des Mines, fut l’initiateur du Procédé Martin-Siemens et l’un des créateurs des Chemins de Fer de France et contribua particulièrement à la création de la métallurgie de l’aluminium.
Henry Le Chatelier emprunte les voies tracées par son père, et comme lui, il fréquente le collège Rollin (1860—1869) où il obtient son baccalauréat de lettres, puis de sciences, puis intègre l’École Polytechnique avec le statut de major de promotion (1869—1871), puis l’École des Mines (1871—1873). A sa sortie de l’Ecole Nationale Supérieure des Mines, Henry Le Chatelier est adjoint à la mission Roudaire organisée par le gouvernement français pour étudier la possibilité de création d’une mer intérieure dans les Chotts Algériens. Au retour de ce voyage, il exerce les fonctions d’Ingénieur ordinaire des Mines à Besançon pendant deux années, puis en 1877, il est appelé à l’Ecole des Mines pour y enseigner la Chimie générale.
Sa première note à l’Académie des Sciences a trait à l’origine du nerf dans le fer puddlé (scories interposées mécaniquement dans le fer) ; il y mentionne que « le nerf résulte au contraire du peu de fusibilité de scories partiellement peroxydées et de la température comparativement basse à laquelle se fait le puddlage. ». Sa seconde note présentée à l’Académie en 1879 a trait à un travail fait en collaboration avec Mallard sur l’emploi de la flamme de l’hydrogène pour mettre en vue le grisou dans l’air des mines ; les auteurs montrent la sensibilité de la méthode : « dès qu’il y a 0,25 % d’hydrogène protocarboné, apparaît une auréole bleue ». L’étude de la combustion de l’acétylène conduit Henry Le Chatelier au chalumeau oxyacétylénique et à son emploi dans la soudure.
En 1884, il énonce ce qui est connu comme le principe de Le Chatelier qui stipule que: « Si on tend à modifier les conditions d’un système en équilibre, il réagit de façon à s’opposer partiellement aux changements qu’on lui impose jusqu’à l’établissement d’un nouvel état d’équilibre. »
Se souvenant des relations de son grand-père maternel avec Vicat, il retrouve une collection de briquettes d’essais de chaux. Ainsi commencent ses recherches sur les matériaux hydrauliques… Henry Le Chatelier obtient son doctorat à la Sorbonne en 1887. Dans sa thèse intitulée « Recherches expérimentales sur la constitution des mortiers hydrauliques », il étudie le mécanisme de la prise du plâtre, puis celui des silicates barytiques, et enfin celui des ciments calcaires dont il commence, suivant les principes de la méthode scientifique, par déterminer systématiquement les diverses combinaisons qui peuvent se former entre les éléments principaux mis en présence : chaux, silice, alumine et oxyde ferrique, et les réactions avec l’eau de ces différentes combinaisons anhydres. En complément de cette étude synthétique des différents constituants des ciments, il effectue pour la première fois l’analyse microscopique des clinkers avec des lames minces, par les procédés habituels de la pétrographie. Il étude ainsi les conditions de formation et d’hydratation des silicates bi et tri calciques, des aluminates tricalciques et de la chaux. Les points les plus marquants de sa thèse sont la théorie générale de la prise et du durcissement, et le rôle du silicate tricalcique dans la constitution du ciment portland.
C’est aussi en 1887 que Henry Le Chatelier occupe la nouvelle chaire de chimie industrielle à l’École des mines qu’il conserve jusqu’à sa mise à la retraite en 1919. Après la publication de sa thèse, il poursuit ses recherches dans le domaine des ciments portlands afin de vérifier et mieux approfondir les questions traitées : constitution du ciment portland et dosage du cru, extinction de la chaux, limites d’hydrolyse des silicates et aluminates, causes de dégradation des mortiers (rôle de la magnésie, action de l’eau de mer et des sulfates).
Il constate que la diminution du volume d’eau consommée par l’hydratation du ciment n’est que partiellement compensée par l’augmentation du volume de matière solide créée ; ce phénomène s’appelle de nos jours ‘la contraction de Le Chatelier’.
Il en profite aussi pour développer des procédés expérimentaux dont le « moule à aiguilles » adopté à l’époque dans les normes de tous les pays pour le contrôle des liants hydrauliques, et le picnomètre pour la détermination rapide et exacte du poids spécifique des ciments, appareil aujourd’hui classique. Avec la création de l’Association Internationale des Méthodes d’Essais en 1895, il constitue et préside en 1901 la section française.
Henry Le Chatelier s’attache également à faire bénéficier le monde industriel de ses découvertes scientifiques. Il démontre que la composition moyenne du calcaire de Lafarge correspond exactement à celle d’un ciment portland siliceux, que la production de chaux hydraulique n’est due qu’à une cuisson insuffisamment poussée, et que par suite une cuisson convenable d’un mélange parfaitement homogénéisé de la pierre de la carrière doit produire un ciment artificiel de qualité parfaite : c’est ainsi que nait le « ciment artificiel double-cuisson ». Il imagine également de substituer à l’extinction empirique des ciments, par arrosage et silotage prolongé, une extinction rationnelle dans un cylindre tournant rempli de vapeur à 150 °C. A cette température, la chaux s’hydrate rapidement, sans que soient altérés les silicates ou aluminates. Son essai de laboratoire est immédiatement transposé à l’échelle industrielle pour l’extinction du ciment de grappier de Lafarge et, quelques années après, pour l’extinction du ciment blanc et des chaux hydrauliques.
En 1898, appelé par Berthelot au Collège de France, il succède à Schutzenberger à la Chaire de Chimie Minérale où il traite des principaux sujets suivants :
- Les phénomènes de combustion (1898) ;
- Théorie des équilibres chimiques, les Mesures de températures élevées et les Phénomènes de dissociation (1898-1899) ;
- Propriétés des Alliages Métalliques (1899-1900) ;
- Alliages du fer (1900-1901) ;
- Méthodes générales de la Chimie analytique (1901-1902) ;
- Lois générales de la Mécanique Chimique (1903) ;
- La Silice et ses composés (1905-1906) ;
- Quelques applications pratiques des principes fondamentaux de la Chimie (1906-1907) ;
- Propriétés des Métaux et de quelques Alliages (1907).
En 1904, il fonde La Revue de Métallurgie qu’il dirige durant seize années.
En 1907, au moment de la mort de Henri Moissan, il préfère l’enseignement de la Sorbonne, pensant avoir ainsi une plus grande influence sur la formation scientifique de la jeunesse ; c’est ainsi qu’il quitte la chaire du collège de France pour succéder à Moissan à la chaire de chimie générale à la Sorbonne. Cette année-là, Il devient aussi membre de la section de chimie à l’Académie des sciences.
L’intense activité de Henry Le Chatelier lui a permis de rédiger plusieurs centaines de mémoires publiés principalement dans les Comptes-Rendus de l’Académie des Sciences, les Annales des Mines, le Bulletin de la Société d’Encouragement pour l’Industrie Nationale, la Revue de Métallurgie, la Revue Générale des Sciences, le Bulletin de la Société Chimique et diverses revues étrangères. Parmi les 11 livres qu’il a publiés, on peut mentionner :
- Constitution des mortiers hydrauliques (1887) ;
- Les équilibres chimiques (1888) ;
- Sur la constitution des mortiers hydrauliques (nouvelle édition, Dunod, 1904) ;
- Le carbone et les lois générales de la chimie (Hermann, 1908) ;
- La silice et les silicates (Hermann et fils, 1914) ;
- De la Méthode dans les Sciences expérimentales (Dunod, éditeur, 1936).
Henry le Chatelier a reçu au cours de sa carrière de nombreuses distinctions : membre de l’Académie des Sciences (dont il avait été lauréat en 1892 et 1895), ancien Président de la Société d’Encouragement pour l’Industrie Nationale membre d’Honneur de la Société des Ingénieurs Civils de France, titulaire de la Médaille Davy de la Royal Society (1916), de la Médaille Trasenster des Ecoles de Liège et de la Médaille Bessemer (1910) de l’Iron and Steel Institute des USA ; docteur honoris causa de la Faculté Technique d’Aix-la-Chapelle (1912), de l’Université de Victoria de Manchester (1920), de l’Institut Polytechnique de Copenhague (1921), de l’Université de Louvain (1927), de l’Université de Madrid (1934).
Il décède le 17 septembre 1936 à Miribel-les-Echelles (Isère).
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