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MARTIN Émile
Un spécialiste des ponts en fonte et un métallurgiste innovant.
Émile Martin est né le 20 juillet 1794 à Soissons où son père Pierre-Dominique est ingénieur des ponts et chaussées et a fait partie de l’expédition Bonaparte en Egypte. Diplômé de l’Ecole Polytechnique en 1812 et de l’Ecole d’artillerie de Metz en 1814, il sert l’armée jusqu’en 1820 et ses permissions l’amènent dans le Nivernais où il réside chez Georges Dufaud, ami de son père. Il quitte l’armée et épouse Constance Dufaud le 11 juin 1821 à la mairie de la Chapelle Hugon. En 1824, avec l’aide de son beau-père Georges Dufaud et le soutien financier de la Sociéte Boigues et fils, il crée le 29 février 1824 à Fourchambault dans la Nièvre une société en commandite, sous la dénomination « Fonderie et Constructions métalliques d’art » à Fourchambault et avec la raison sociale « Émile Martin et Cie ».
En 1928, il effectue un voyage en Angleterre où il rencontre notamment Robert Stephenson (fils de Georges Stephenson, un des créateurs des chemins de fer britanniques), d’où il revient avec en tête l’importance de l’avenir des chemins de fer et de la construction des locomotives. Entre 1829 et 1831, il installe une fonderie et des laminoirs à Firmi, en Aveyron, à la demande du duc Decazes, et en 1835 il crée une fonderie à Alès à la demande du maréchal Soult.
Malgré des difficultés financières entre 1834 et 1838, sa fonderie connaît de grands succès et contribue très fortement à la renommée de Fourchambault en pratiquant le montage sur site de nombreuses structures, en particulier des ponts et charpentes ; il fournit des éléments en fonte pour la construction des premiers grands ponts en fonte : piles en fonte du pont de Cubzac, ponts ferroviaires de Nevers et de Tarascon, de conceptions similaires, pont du Carrousel à Paris en 1834, et aussi pour des charpentes comme l’immense charpente métallique de la cathédrale de Chartres en 1837.
Il est élu député de la Nièvre en 1848 et 1849. Il participe en 1852 au groupement qui obtient l’adjudication de la ligne Lyon-Avignon. Il est membre du conseil d’administration et le reste après la naissance en 1857, du fameux PLM.
Ne voulant pas se fondre dans l’ensemble Boigues-Rambourg qui prend de plus en plus la main sur Fourchambault et se brouillant avec la famille Boigues, Emile Martin achète en 1854 à Sireuil (sur la Charente, près d’Angoulême), une ancienne tréfilerie qu’il transforme en forge et fonderie et où il aide son fils Pierre-Émile Martin (1824-1915), polytechnicien et ingénieur des Mines, a entreprendre des recherches sur la fabrication de l’acier à partir de ferrailles. Il utilise le principe d’oxydo-réduction imaginé par René-Antoine Ferchault de Réaumur dès 1722, grâce aux températures élevées permises par les fours à gazogène brevetés par Carl Wilhelm Siemens en 1861, et dont les Martin, père et fils, avaient pris une licence d’exploitation.
Ayant réussi à vendre ses parts de son ancienne usine de Fourchambault en 1863, les recettes tirées de cette vente vont lui permettre de lancer des recherches dont une première étape sera la première coulée de ce que l’on appelle aujourd’hui l’« acier Martin » le 23 avril 1863. Après bien des essais, Pierre-Émile Martin, toujours conseillé par son père, réussit enfin à mettre au point le four à sole Martin (sole en matériaux réfractaires) permettant de fondre l’acier, dont il dépose le brevet le 10 août 1864. Une série de brevets sont ensuite déposés par les Martin père et fils, et le procédé jouit d’un succès rapide en raison de son avantage économique car il permet de recycler les déchets des usines métallurgiques et les rails en fer usagés des compagnies de chemin de fer. Parmi les premières fabrications importantes de Pierre Martin figure le métal destiné à la manufacture de Châtellerault, pour la fabrication des canons des fusils Chassepot. Emile Martin construit aussi de nouveaux ponts métalliques à Mayence, dans la vallée du Pô, en Algérie dont le fameux pont El-Kantara sur les gorges du Rhumel à Constantine (1860-1863), confiés à son second fils Georges (1828-1883).
L’impact industriel du procédé dont le premier brevet est déposé en 1863 et qui va dominer la sidérurgie mondiale pendant presqu’un siècle, s’affirme peu à peu. Mais, après le camouflet de la médaille d’or attribuée puis retirée à l’Exposition universelle de 1867, la contestation et les procès vont encourager les autres industriels à utiliser le procédé sans rémunérer les Martin. Apparue cinq ans après le procédé Bessemer, l’invention des Martin occupe néanmoins le devant de la scène jusqu’à la deuxième moitié du XXe siècle. Le rôle d’Émile et de son fils reste donc pleinement reconnu dans l’histoire des techniques.
Le 20 mars 1868, les Martin père et fils constituent la Société des Aciers Martin, au capital de 2,5 millions de francs. Outre les deux usines de Sireuil et de Ruffec, cette société déclare posséder des hauts fourneaux à Solenzara, en Corse, et contrôler les brevets Martin en France et en Algérie, pour la fabrication de l’acier.
Emile Martin décède le 23 juillet 1871 dans son domaine de Chaulet à Rions en Gironde et est inhumé à la chapelle funéraire des Martin du cimetière de Fourchambault.
Pour en savoir plus :
- Emile Martin, Pont de Cubzac, dessins et description des piliers en fonte de fer, Paris, imprimerie de Schneider et Langrand, 1841, 15 p.
- Emile Martin, Note sur les procédés de fusion et les moyens d’ajustage des voussoirs de fonte de fer, imprimerie de Dezauche, 1834, 16 p.
- André Thuillier, Émile Martin, un grand chef d’industrie au XIXe s., 1794-1871 Mémoires de la Société académique du Nivernais, 1962-1964, 54 p.
- Jean-Philippe Passaqui, Quand l’innovation engendre l’incertitude : réception et diffusion du procédé Martin, Marteau Pilon, no XXV, juillet 2013, p. 47 à 67.
- Bernard Marrey, Les ponts modernes 18-19ème siècle, Editeur Picard, 1990, pp. 155-156.
- Sur Wikipédia : Émile MARTIN (1794-1871).