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PAVIN DE LAFARGE Léon et Édouard
La naissance d’un géant cimentier.
Léon et Edouard Pavin de Lafarge sont deux frères. Léon est né le 17 juillet 1806 et Edouard le 29 Janvier 1816 au Château de Lafarge à Viviers (Ardèche).
Avant 1830, leur père Claude Joseph Auguste Pavin (1777-1850), descendant d’une famille d’origine poitevine, acquiert en 1749 la seigneurie Lafarge, site réputé depuis des générations pour la qualité de sa pierre à chaux, et se retrouve ainsi propriétaire des carrières de la montagne Saint-Victor qui domine le Rhône entre Le Teil et Viviers. Elles n’étaient alors exploitées que par un petit chaufournier qui assurait seul l’ensemble du travail.
Comme le veut la tradition de l’époque qui associe à son patronyme le nom de son fief, la famille Pavin habitant à Lafarge devient la famille Pavin de Lafarge. Ayant dû quitter Lyon à la suite de la révolution de 1830, Auguste Pavin de Lafarge décide de reprendre l’exploitation de chaux, y construit deux nouveaux fours de trois mètres de haut, et confie la direction de la société à son fils Léon, ancien élève de l’Ecole Polytechnique.
En 1833, alors que sa formation de polytechnicien lui ouvre de nombreuses perspectives, Léon Pavin de Lafarge choisit de prendre la direction de la carrière familiale. Trois nouveaux fours de cinq mètres de haut sont construits et la chaux de Lafarge commence à être connue dans la vallée du Rhône. Il use de ses relations, des anciens camarades de polytechnique devenus ingénieurs du Génie Maritime et des Ponts et Chaussées. La chaux de Lafarge est utilisée à la construction de ponts de la vallée du Rhône, et livrée dans les ports de Méditerranée… Après six années d’efforts, Léon décide en 1839 de passer la main à son frère cadet, Edouard (23 ans), autodidacte.
Suit un épisode où Edouard Pavin cède l’exploitation des fours à chaux à la société Gueyraud et Fils Cadet, de Marseille. Félix Gueyraud, diplômé de l’Ecole centrale des Arts et Manufactures de Paris s’installe à Viviers et développe une innovation technique au sein de l’entreprise en installant à côté des fours une bluterie qui permet d’éteindre la chaux vive qui est alors tamisée puis mise en sacs de toile de chanvre. Ce procédé évite des inflammations intempestives lors du transport de la chaux. Avec la révolution de 1848, la société connait des difficultés ; Félix Gueyraud met fin à son bail et Edouard, avec le concours de Léon et l’appui financier de la famille Rozan de Marseille, reprend les rênes de la société. Ils créent alors la Société Lafarge frères qui compte en 1850 environ 300 employés.
Quand Léon et Edouard créent la Société Lafarge Frères en 1848, leurs apports respectifs dans la société sont ceux du partage fait par leur père en 1843 : un tiers à l’aîné, deux tiers au cadet. Dès 1860, les deux frères reviennent sur cette répartition, échangeant divers biens afin d’avoir des droits égaux et indivis sur l’ensemble de leur propriété industrielle. Cette solidarité professionnelle se retrouve dans leur vie personnelle. Les deux frères habitent le château de Lafarge, dont seul Léon a hérité, et partagent les mêmes repas. En 1854, Léon, veuf de longue date, épouse la belle-sœur de son frère, Hélène de Rivoles. Une solidarité qui se retrouve aussi dans leurs engagements : sociaux d’abord, car chez Lafarge, les conditions de travail des ouvriers sont bien meilleures que dans la plupart des fabriques urbaines. L’augmentation des effectifs du personnel en 1863 engage les deux frères à construire une “cantine”, permettant de loger et nourrir les ouvriers de passage. Avec la mise en place de magasins généraux de vêtements et provisions, caisses d’épargne et de secours, hôpital, écoles…, les frères Pavin de Lafarge tissent des relations privilégiées avec leurs ouvriers. Ils sont cordiaux, simples et attentionnés, et proposent des congés aux petits propriétaires terriens, ouvriers de leurs entreprise, le temps des semailles, moissons et vendanges. Engager socialement, les frères Pavin de Lafarge le sont également religieusement puisqu’ils vont jusqu’à construire une église au sein de l’usine.
La réputation de la chaux du Teil s’affirme auprès des ingénieurs des Ponts et Chaussées qui la préconisent dans les ouvrages maritimes pour remplacer le ciment romain, mélange de chaux grasse et de cendres de pouzzolane (importées d’Italie). Dans les années 1860, la société Lafarge Frères installe des agences à Alger et Tunis. En 1862, 20 fours sont présents et 50 000 tonnes produites par an. Edouard Pavin comprend que l’avenir de l’usine passe par l’exportation et son plus beau “coup” est la livraison en 1864 de 110 000 tonnes de chaux pour la construction des jetées de Port-Saïd au débouché du canal de Suez. Ces années 1860 sont également marquées par la découverte à l’usine du Teil d’un coproduit, le ciment de grappier obtenu en broyant les résidus de matières dures que l’on rencontre dans les fours à chaux après la cuisson. Le chaufournier Lafarge entre dans l’industrie cimentière. Du ciment de grappier, la société passe aux enduits colorés, à la fabrication de carreaux mosaïques polychromes et à la préfabrication d’une gamme d’éléments de construction. En sélectionnant les pierres calcaires pauvres en oxyde de fer, l’entreprise est la première à mettre au point le ciment blanc. En 1870, la société comporte 37 fours et produit 80 000 tonnes par an.
En 1884, Edouard Pavin transforme la société en commandite par actions et en confie la gestion à son fils Joseph (33 ans) et à ses neveux Auguste (30 ans) et Raphaël (37 ans). Mais ce dernier meurt en 1885, et la société se nomme alors « J. et A. Pavin de Lafarge ». Elle absorbe en 1887 les autres usines des concurrents de la vallée du Rhône. Cet évènement marque la fin de l’entreprise familiale et le début du groupe Lafarge. C’est aussi au cours de cette année que la société fonde son premier laboratoire central avec lequel collaborent des scientifiques de renom : le Laboratoire du Teil.
Le 3 juin 1877 Léon Pavin est frappé d’une attaque d’apoplexie foudroyante et décède à l’âge de 70 ans au Château de Lafarge à Viviers. Quant à Edouard, il décède le 20 octobre 1890 à Lyon, à l’âge de 74 ans.
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