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SÉJOURNÉ Paul

(1851 - 1939)

Un éminent constructeur de grands ponts en maçonnerie

Paul Séjourné a été le dernier et indiscutablement le plus éminent constructeur de grands ponts en maçonnerie. Il a apporté à cette technique ses derniers perfectionnements, dont ne profitèrent pas d’ailleurs les Premiers ouvrages en béton armé qui allaient la remplacer. La solidité et la beauté des ouvrages qu’il a construits, et qu’on peut encore admirer aujourd’hui pour la plupart, font qu’il est sans doute un des ingénieurs les plus connus du grand public

Né le 21 décembre 1851 à Orléans, fils d’un père professeur de mathématiques au Lycée d’Orléans, et d’une mère issue d’une famille de négociants aisés, il est diplômé de l’Ecole Polytechnique en 1873, puis de l’Ecole des Ponts et Chaussées en 1876. De 1876 à 1896 il est au service de L’Etat, puis rejoint de 1896 à 1926 la Grande Compagnie des Chemins de Fer Paris-Lyon-Méditerranée dans laquelle il fait son entrée en qualité d’Ingénieur en Chef, devient chef du service des  Constructions du PLM en 1909, puis sous-directeur de la compagnie en 1919, compagnie PLM qu’il quitte en 1927, à l’âge de 76 ans avec le titre de directeur honoraire.

À ses débuts, il occupe des postes modestes, mais montre tout de suite son talent dans la construction des lignes de chemin de fer aujourd’hui secondaires, en Site difficile, où les ouvrages d’art sont nombreux : le pont du Castelet dans l’Ariège (1882 – voûte d’ouverture 41,2 m), ceux de la ligne de Montauban à Castres, dont le pont de Lavaur (1884 – arche d’ouverture 61,5 m), le pont Antoinette entre Vielmur-sur-Agout et Semalens (1884 – voûte de 50 m d’ouverture), du nom de sa jeune épouse, qu’on lui a permis de donner. À la suite de quoi il publie, en 1887, dans les Annales des ponts et chaussées, un mémoire qui sert de base à toutes les constructions suivantes, préconisant des Cintres légers, une construction par rouleaux et une fermeture progressive des joints. Il lui vaut d’être envoyé l’année suivante en mission mouvementée à Samarkand, sur les chantiers du chemin de fer transcaspien !

Mais ses œuvres sont  ensuite innombrables, comme ingénieur en chef de la Lozère sur la ligne de Mende à La Bastide, et à Luxembourg pour la construction du pont Adolphe : dans une lettre du 3 août 1898, Théophile Delcassé, Ministre des Affaires Etrangères, écrit à Henri Vannerus, chargé d’affaires du Luxembourg à Paris : “J’ai l’honneur de vous faire savoir que le Ministre des Travaux Publics considère qu’il y aurait intérêt à adjoindre à M. Résal un autre ingénieur en chef M. Séjourné qui, par ses travaux antérieurs, a acquis également une compétence toute spéciale en cette matière”. C’est ainsi qu’en 1899 Paul Séjourné dresse le projet de construction du pont Adolphe sur la Pétrusse (à l’époque record mondial de la plus grande voûte en maçonnerie avec 84 m d’ouverture) et recommande le choix de l’entreprise Fougerolle pour son exécution.

Cependant, son ouvrage le plus connu, en dehors de ses grands ponts urbains, parce que le plus original et le plus visible d’une grande route, reste sans doute le viaduc de Fontpédrouse sur la ligne à voie étroite de Villefranche-de-Conflent à Bourg-Madame. Puis il continue à construire de grandes voûtes : le pont de Sidi-Rached à Constantine en Algérie (1908-1912 – arche d’ouverture 68 m), le pont des Amidonniers à Toulouse (1911), aujourd’hui pont des Catalans, l’élégant pont de Scarassoui à Fontan (1921- 1922, voûte d’ouverture 48 m) et le viaduc de la Bévéra (1927-1928, 4 arches plein cintre suivies de 2 travées métalliques de 45,50 mètres de portée reposant sur une pile en béton centrale dont la double originalité était d’être un arc de 25 mètres d’ouverture à la base, construit perpendiculairement à la voie), ces deux derniers détruits lors de la dernière guerre, et enfin sa dernière grande voûte en pierres qui est le viaduc de la Roizonne (1913 – 1928, arche d’ouverture 80 m).

De 1901 à 1922 il est chargé du cours de ponts en maçonnerie à l’ENPC. En 1924 il entre à l’académie des Sciences. Il meurt à Paris le 14 janvier 1939. Son traité sur les grandes voûtes rassemble les connaissances de tous les siècles sur les ponts en maçonnerie.

Bien qu’il n’ait pas eu l’occasion d’une grande réalisation à Paris, son nom a été donné, en 1953, à une rue du VIe arrondissement où il avait habité. Il a également une rue à son nom à Luxembourg, le long de la Pétrusse.