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Viaduc de Fontpédrouse (1906-1908)

Dans le cadre d’une convention datée du 9 juin 1883, L’Etat concédait à la Compagnie du Midi la construction d’une ligne de chemin de fer d’environ 15 km de long, de Prades à Olerre. La ligne fut d’abord exploitée de Prades à Villefranche-de-Conflent, soit environ 6 km. Face au coût non anticipé pour construire le reste du tronçon, l’Etat décida de lui substituer une voie ferrée métrique remontant la vallée de la Têt jusqu’à Montlouis, puis franchissant le col de la Perche pour atteindre in fine la ville de Bourg-Madame près de la frontière espagnole. Ce projet fut approuvé par la loi du 4 mars 1903. C’est ce que l’on appelle aujourd’hui la ligne du Train jaune qui va jusqu’à Latour-de-Carol, et qui franchit la Têt sur le pont de la Cassagne et le viaduc de Fontpédrouse.

Dès le début de la construction de la ligne, la traction électrique des trains a été retenue avec une alimentation en courant continu par un troisième rail, à partir de la centrale hydroélectrique de la Cassagne, elle-même alimentée par une conduite forcée depuis le lac des Bouillouses.

Le viaduc de Fontpédrouse, encore appelé pont Séjourné du nom de son concepteur et spécialiste des grandes voûtes, est un ouvrage original avec la solution à 2 étages adoptée pour franchir le ravin de la Têt. Cette solution comporte une voûte ogivale de 30 m d’ouverture et de 18 m de flèche qui prend appui sur les berges du ravin et supporte à sa clef une des piles du second étage. Les tympans de cette voûte sont élégis par deux voûtes en plein cintre de 5 mètres d’ouverture.

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L’étage supérieur se divise en trois parties distinctes. La partie centrale comprend quatre arches en plein cintre de 17 mètres d’ouverture dont la pile centrale repose sur le sommet de l’ogive et les piles intermédiaires sur le rocher naturel des berges, de part et d’autre des naissances de l’ogive. Cette partie du viaduc est encadrée par deux piles-culées en forme de tours crénelées établies sur les bords de la gorge de la Têt. De part et d’autre de ces piles-culées qui sont creuses, se situent en rive droite 2 voûtes en plein cintre de 9 mètres d’ouverture et en rive gauche (du côté de Bourg-Madame) 10 voûtes de géométrie identique. 

Ce viaduc de longueur totale 236,70 m, dont la hauteur maximale atteint 65 m au-dessus de la Têt, a une très faible largeur en rapport de sa stabilité, avec des voûtes au niveau de l’étage supérieur de largeur 2,50 m à leur clef, supportant une dalle en béton armé de 4 m de large dont les encorbellements supportent les trottoirs et les garde-corps.  La dalle qui est continue d’un bout à l’autre de la structure, y compris à l’endroit des tours, est solidement ancrée dans les culées et permet à l’ouvrage de résister efficacement aux vibrations transversales produites par le passage des trains. Sa déclivité est de 6 cm/m.

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Les travaux ont commencé en mai 1906 et se sont achevés en décembre 1908. L’ouverture à l’exploitation a eu lieu en juillet 1910. Si le projet est de Paul Séjourné (ingénieur en chef des Ponts et Chaussées), l’exécution a été confiée aux entrepreneurs Jean et Marc Sanfourche, sous le contrôle d’exécution de M. Lanusse (ingénieur des Ponts et Chaussées) et M. Louis de Noëll (Chef de section des Ponts et Chaussées). 

L’approvisionnement des matériaux a été relativement facile, grâce à la route nationale 116 qui passe sous le viaduc. La voûte ogivale a été construite en deux rouleaux ; le premier rouleau comportait des joints secs qui étaient ensuite matés par un mortier de chaux du Teil dosé à 3oo kg par m3. Les arcs d’ogive qui ont une épaisseur de 3,50 m aux naissances et de 2, 50 m à la clef, ont été exécutés en moellons ordinaires appareillés en voûte, sauf la douelle qui a été exécutée en moellons tétués et les bandeaux en moellons smillés.  

Le cerveau de la voûte, sur 4 mètres de part et d’autre de la clef, a été hourdé au mortier de ciment à prise lente dosé à 600 kg par m3. Lors du décintrement de la voûte ogivale, la contrainte maximale de compression relevée à la clef a été évaluée à 14,5 kg/cm2. Les contraintes les plus importantes apparaissent à la clef des voûtes de 17 m et atteignent 31 kg/cm2 lors de fortes chaleurs.  

Le montant total des dépenses du viaduc de Fontpédrouse s’est élevé à 553 655 francs. L’ouvrage a nécessité 10 352 m3 de maçonnerie (60 % du coût), 116 m3 de béton et 21,5 tonnes d’armatures.

De mai 1906 à décembre 1908, Louis de Noëll a photographié la construction du viaduc ; 150 plaques photographiques sur verre ont été retrouvées récemment dans l’ancienne maison de Louis de Noëll à Villefranche-de-Conflent et sont à présent déposées aux Archives Départementales des Pyrénées-Orientales (voir un extrait ci-dessus avec 4 photos).

Ce viaduc constitue une des dernières grandes voûtes en maçonnerie construites en France. L’ouvrage présente une impression de robustesse qui est accentuée par l’aspect des maçonneries de granite qui ont été traitées avec beaucoup de soin par P. Séjourné. Il a été classé Monument Historique en 1994.